Nous ignorons pratiquement tout des compétences linguistiques des frontaliers parce qu’ils échappent en règle générale aux études socio- et démolinguistiques qui ne prennent en compte que les résidents du Grand-Duché. D’où l’intérêt des données que nous allons présenter qui apportent des informations inédites remettant d’une part en question l’idée reçue que les frontaliers ignorent la langue luxembourgeoise et confirmant d’autre part l’intuition que l’anglais est en bonne voie pour devenir la langue véhiculaire de la Grande-Région.


Les données sont issues de l’Enquête sur le comportement financier des ménages : Household Finance and Consumption Survey (HFCS), une vaste enquête pilotée par les Banques centrales dans l’ensemble des pays de la zone euro. Au Luxembourg elle est menée conjointement par la Banque centrale du Luxembourg (BCL) et le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER). La vague de 2018 a été publiée en mars 2020 et un volet supplémentaire sur les frontaliers (HFCS-XB) en avril 2021. Les deux volets comportaient aussi une question sur les compétences linguistiques. Elle a servi de bases à une modélisation économétrique des valeurs des langues sur le marché de l’emploi : Thomas Y. MATHÄ, Giuseppe PULINA et Michael ZIEGELMEYER, How valuable are language skills in the Luxembourg labour market? (Voir mon compte-rendu dans forum).

Les auteurs de l’étude ont eu l’amabilité de nous fournir le tableau inédit suivant qui reprend les compétences autodéclarées des répondants. Les informations sont issues de 2.390 réponses à un questionnaire administré en ligne entre le 28 septembre et le 26 novembre 2018. L’échantillon aléatoire est tiré à partir du fichier de l’Inspection Générale de la Sécurité Sociale (IGSS) de 2016.

(Cliquer pour le tableau en format PDF)

Le tableau montre la compétence linguistiques des frontaliers selon le pays de résidence. Celle-ci est mesurée sur une échelle à cinq niveaux (langue maternelle, niveau avancé, niveau intermédiaire, connaissances de base, aucune connaissance). On remarquera d’abord que les habitants n’ont pas nécessairement comme langue maternelle la langue associée à leur pays de résidence. En Belgique et en Allemagne 88% indiquent respectivement le français et l’allemand comme langue maternelle ; en France ce sont 91%. Les personnes indiquant le luxembourgeois comme langue maternelle sont probablement des Luxembourgeois ayant émigré récemment, la plupart du temps, à cause de la pression sur le marché immobilier.

Comme il s’agit d’une autoévaluation nous ne savons pas au juste, ce qui se cache derrière les déclarations et classifications. Nous pouvons cependant raisonnablement supposer qu’elles sont liées à l’activité professionnelle et qu’une personne déclarant une « connaissance de base » veut exprimer par là qu’elle juge avoir les compétences minimales requises pour exercer son métier.


L’anglais est la langue la plus connue. Seulement 5% des frontaliers d’Allemagne et 6% des frontaliers de Belgique disent l’ignorer. Pour les frontaliers de France ce taux monte à 14%. La langue du voisin respectif est moins connue : 21% des frontaliers d’Allemagne disent n’avoir aucune notion de français, tandis que 46% des frontaliers de Belgique et 39% des frontaliers de France disent ignorer l’allemand.

 


Nous avons repris les chiffres pour la langue luxembourgeoise dans le graphique ci-dessus. Celle-ci étant très proche de l’allemand standard on ne sera pas étonné que seulement 19% des frontaliers venant d’Allemagne disent n’avoir aucune connaissance du luxembourgeois. Ce taux s’élève à respectivement 56% et 55% pour la Belgique et la France. La différence entre les trois territoires pour le taux de ceux indiquant une connaissance de base n’est pas aussi grande, tandis qu’elle augmente de nouveau pour les niveaux « intermédiaire » et « avancé ». 17% des frontaliers d’Allemagne déclarent un niveau « avancé ». Ce taux est respectivement de 5% et 4% pour la Belgique et la France.

 

Le graphique 2 est repris du rapport de la BCL qui présente une vue globale pour l’ensemble des frontaliers. Il présente le taux de « compétence élevée » regroupant les niveaux « langue maternelle » et « niveau avancé » selon le niveau d’éducation. On constate que 75% des frontaliers interrogés disent avoir une compétence élevée en français, 31% en allemand, 29% en anglais, 8,5% en luxembourgeois, 4% en italien et 2% en portugais. Ce graphique montre les connaissances lingusitques selon le niveau d’éducation. Les personnes avec un niveau d’éducation faible et moyen ont plus souvent une compétence élevée en luxembourgeois que celles avec un niveau d’éducation élevé. Ceci s’explique aisément par la segmentation de l’emploi. Dans les métiers à haute technicité, sans contact avec des clients, rares sont les frontaliers qui ont besoin du luxembourgeois, contrairement p.ex. aux secteurs de la vente et de l’Horeca.

 

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